Question:
La nature humaine n’existe pas. Êtes vous d'accord?
didier
2007-09-18 16:47:48 UTC
La nature humaine n’existe pas. Êtes vous d'accord
Sept réponses:
Darkness falls
2007-09-18 16:59:39 UTC
Non, pas du tout!

La nature humaine existe, tout comme la nature animal. L'Homme est un animal. Les humains ont leurs règles intrinsèques qui les caractérisent même s'ils n'en ont pas conscience, mais ils n'en échappent pas à la règles générale qui régie les lois de ce monde.
2007-09-21 13:19:05 UTC
Parler de nature humaine, c'est parler d'une essence universelle de l'homme, c'est dire qu'il existe un certains nombre de caractéristiques communes à tous les hommes sans restriction. C'est donc dire qu'il existe une définition de l'homme qui s'appliquerait à tous et à chacun d'entre eux sans reste.

Or, lorsqu'on observe les hommes, ce qu'on voit, ce n'est pas l'identité, ce qu'ils ont de commun, mais des différences, une diversité qui semble ruiner l'idée même d'une nature humaine.

Le problème est donc le suivant : d'un côté on parle de nature humaine, d'essence de l'homme et il semble que cette idée d'une définition de ce qu'est l'homme soit légitime parce que rien qui existe ne semble pouvoir ne pas avoir de nature, mais de l'autre, il semble que cette idée soit vaine parce que les différences observables entre les individus sont telles qu'ils semblent n'avoir rien en commun.



Mais il y a plus : il a pu arriver, en raison de ces différences ou sous prétexte de ces différences, de refuser le statut d'homme à des êtres qui manifestement pourtant ressemblaient à des hommes, comme par exemple les Noirs dont on a prétendu qu'ils n'avaient pas d'âme, ce qui autorisait à les utiliser comme esclaves ou comme les Juifs que les nazis comparaient à des rats ou à des microbes, ce qui préparait à l'idée qu'il était nécessaire de les supprimer et qu'en le faisant, on ne tuerait pas des hommes. Au nom d'une certaine idée de l'homme et en raison de différences observables entre eux, on a pu donc refuser le statut d'hommes à des êtres qui pourtant étaient des membres de l'espèce humaine.





Mais, du reste, ne faisons-nous pas la même chose lorsque nous disons de certains êtres qu'ils sont non pas des hommes, mais des bêtes en raison par exemple de leur violence ou de la monstruosité de leurs actes? Dire d'eux qu'ils sont des animaux et non des humains, c'est bien leur refuser le statut d'homme encore qu'ils appartiennent bien à l'espèce humaine, sans quoi ce refus n'aurait aucun sens.



Tout cela nous invite donc à nous demander s'il existe une nature humaine, une essence de l'homme telle que tous les hommes correspondent à cette définition, puisque si d'un côté on trouve injuste d'avoir traité des hommes comme des sous-hommes ou des faux hommes, on n'hésite pas de l'autre à considérer comme des animaux certains hommes, donc à les traiter comme des sous-hommes à notre tour.





Savoir s'il existe une nature humaine et la définir n'a pas qu'un intérêt intellectuel, mais aussi moral. En effet, si certains hommes ne sont pas des hommes, il ne sera pas nécessaire de les traiter comme tels, c'est-à-dire avec le respect du à l'homme en tant qu'homme ou en tant que personne.









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Si on suppose que cette nature humaine existe, il n'est possible de la trouver que si on recherche les points communs à tous les hommes, donc si on élimine tout ce qui les distingue entre eux, c'est-à-dire toutes les différences qui sont liées soit à l'appartenance à une culture, soit à la nature de leurs actes.

Ce qui signifie qu'il n'est pas plus nécessaire à un homme pour être un homme d'être un homme ou une femme, jeune ou âgé, malade ou en bonne santé, riche ou pauvre, blanc ou noir, vertueux ou vicieux, saint ou criminel, musulman ou hindou ou athée, intelligent ou stupide...

Toute la question est alors de savoir ce qui reste une fois qu'on a éliminé tout ce qui diffère d'un homme à un autre. On pourra alors être tenté de dire que ce qui est commun, ce qui reste, c'est une commune appartenance à la même espèce animale, l'espèce humaine.





Seulement, cette définition de l'homme n'est qu'une définition apparente, pour plusieurs raisons :



- Une commune appartenance ne définit pas une nature. Dire que l'homme se définit comme membre de l'espèce humaine, c'est dire que l'homme, ce sont tous les hommes. Non seulement ce serait confondre une définition avec les êtres à définir, mais de surcroît cela ne dit pas ce qui est commun à tous, donc ce qui leur est essentiel.



- Réduire l'homme à ses propriétés biologiques n'élimine pas toutes les différences entre les individus parce qu'il en existe qui sont biologiques justement : l'âge, le sexe, l'état de santé sont autant de différences biologiques entre les individus qui ne peuvent pas ici entrer en ligne de compte puisqu'on a décidé d'éliminer toutes les différences.



- On ne peut pas se contenter d'une pareille définition de l'homme parce qu'il n'est pas sûr que ce qui fait le propre de l'homme puisse être saisi en terme biologique : on ne se voit soi-même seulement comme un être biologique et on ne voit pas dans les autres seulement des corps et des membres d'une espèce animale.



Réduire l'homme à ses propriétés biologiques, cela revient au fond à apparenter l'homme aux animaux que l'on définit eux aussi par ces mêmes propriétés. Or, c'est un lieu commun de dire que si l'homme est un animal en tant qu'il a un corps biologique, en tant aussi qu'il est le fruit de l'évolution des espèces, il n'en reste pas moins qu'il se distingue d'eux. Mais justement, en quoi se distingue-t-il d'eux ? Si on parvient à différencier l'homme des animaux, il sera peut-être alors possible de dire quelle est son essence.







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Qu'est-ce qui distingue donc un homme d'un animal? Si l'homme est aussi un animal, en quoi se distingue-t-il néanmoins des autres animaux?

C'est à cette question que peut répondre un extrait de La politique, d'Aristote. Livre I, Chap. 2.



" Il est manifeste, (…), que l'homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard des circonstances, est soit un être dégradé soit un être surhumain, et il est comme celui qui est injurié en ces termes par Homère : "sans lignage, sans loi, sans foyer".

Car un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant comme un pion isolé au jeu de trictrac. C'est pourquoi il est évident que l'homme est un animal politique plus que n'importe quelle abeille et que n'importe quel animal grégaire.

Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l'homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l'agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu'au point d'éprouver la sensation du douloureux et de l'agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l'avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste. Il n'y a en effet qu'une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l'injuste et des autres notions de ce genre."



Commentaire :



Aristote distingue l'homme des animaux de trois manières : par la vie sociale, par le langage et par la conception du juste et de l'injuste.



1 ) L'homme est un animal politique.

C'est sa nature et sa différence avec les autres animaux. Il l'est par nature, c'est-à-dire que cette différence, l'homme la doit à la nature en tant qu'elle a produit cette nature de l'homme.

Que signifie cette formule? Que l'homme vit en société, qu'il est sociable, que par nature il est disposé à vivre avec ses semblables? Sans doute, mais cette lecture est insuffisante pour plusieurs raisons :

- On pourrait en dire autant de certains animaux, comme les abeilles ou les fourmis, qui elles aussi vivent en société et selon une organisation sociale complexe et efficace. Or, la socialité est présentée par Aristote comme une différence spécifique. Ce qui indique que la sociabilité n'est pas du même ordre chez l'homme que chez les animaux, qu'entre celle des hommes et celle des animaux il y a une différence de nature et non de degré.

- On pourrait aussi dire exactement le contraire et cela passerait aussi pour exact, à savoir que l'homme est un animal agressif, qui ne supporte pas tous ses semblables et qui n'hésite pas quelquefois à s'en prendre eux. Ce qui indique que la sociabilité ne désigne pas ici une disposition bienveillante à l'égard de tout le monde.

- Du reste, Aristote ne parle pas de sociabilité, mais de politique : cela veut dire que l'homme par nature est l'être qui vit en Cité, c'est-à-dire non seulement avec les autres, mais surtout en fonction de règles sociales et politiques qui définissent l'ordre social et politique, le statut, les fonctions et la valeur de tous les individus par des lois qui se doivent d'être justes.

Alors, comment faut-il comprendre cette formule?



Ce qu'il y ajoute permet de le comprendre : l'homme n'est pas tant un être doué de sociabilité qu'un être qui ne devient un homme que s'il vit avec les autres dans une Cité. L'homme ne devient un homme que par cette appartenance à une cité : on ne naît pas homme en tant que tel, on le devient en vivant dans un foyer, sous l'autorité des lois et avec la conscience d'appartenir à une lignée précise. L'homme n'est pas seulement sociable, il ne devient homme qu'en société. Qu'est-ce qui autorise cette lecture? Qu'Aristote parle d'hommes qui ne vivent pas en cité comme d'êtres qui ne sont pas des hommes, mais ou des êtres violents, dont la nature est la violence ou des êtres surhumains, des dieux. Ces êtres, qui sont des membres de l'espèce humaine, ne sont pas devenus des hommes, ne sont pas des hommes accomplis parce qu'ils ne vivent pas en cité. Dit autrement : ils sont des hommes, mais faute de vivre en société, ils ne sont pas des hommes accomplis, achevés parce qu'ils n'ont pas réalisé le programme de leur nature humaine. Il distingue toutefois ceux qui ne vivent pas en cité malgré eux, comme les naufragés ou les exilés de ceux qui ne vivent pas en cité par nature, c'est-à-dire en accord avec eux-mêmes. Soit par exemple les êtres qui vivent dans la plus totale des marginalités.

Cette définition de l'homme est par ailleurs confirmée en quelque sorte par les enfants sauvages, notamment Victor de L'Aveyron. Certes, c'est bien malgré lui qu'il était sauvage, c'est-à-dire en forêt, mais à un âge où de toute façon il n'aurait pas pu choisir quoi que ce soit. Il n'est pas devenu un homme accompli, par exemple n'a jamais vraiment appris à parler, ni à lire ou écrire faute d'avoir passé son enfance en compagnie des hommes, en cité. Il est un homme par son appartenance à l'espèce humaine, mais n'est pas un homme accompli parce qu'il ne présente pas les traits que l'on retrouve ordinairement chez les hommes, du moins ceux de son époque, sans que ce manque puisse être mis sur le compte d'une arriération mentale, comme d'abord on l'avait pensé. Il n'est pas un homme idiot, il n'est pas devenu un homme.

Mais, cette définition de l'homme indique du coup qu'il est possible que des êtres qui d'un côté appartiennent à l'espèce humaine ne soit pas considéré comme des hommes à part entière faute d'avoir accompli leur nature au sein de la vie sociale et politique, et cela même si ces êtres ont connu une vie sociale animale.



2 ) L'homme est un animal doué de parole.

Aristote après avoir montré que l'homme est un animal politique invoque une autre différence entre l'homme et les animaux, différence qui est lié à la première et dont le rapport est introduit par le principe souvent présent chez Aristote selon lequel la nature ne fait rien en vain.

Que signifie ce principe? Que la nature, comprise ici comme puissance d'engendrement, ne dote pas les êtres qu'elle engendre de certaines caractéristiques au hasard, mais leur attribue les qualités dont ils ont besoin. Ici, il s'agit de la parole. Pourquoi les hommes en ont-ils besoin? Parce qu'ils vivent en société et que dans le cadre de la vie sociale, ils ont besoin de communiquer et de s'exprimer.

Suit une réponse à une objection implicite. Laquelle? L'homme n'est pas le seul être capable de communiquer puisque les animaux ont eux aussi cette faculté. C'est ici qu'intervient une distinction importante entre la voix et la parole, phonè et logos. Les animaux peuvent communiquer entre eux, mais ce qu'ils communiquent, c'est la douleur et le plaisir et non des idées, ce qui exige non pas seulement d'avoir une voix, mais d'avoir la parole. Or, l'homme, pour vivre en cité a besoin de l'expression d'idées et non pas seulement du plaisir et de la peine, c'est pourquoi selon Aristote il est doué de la parole.

Il faut toutefois observer que si l'homme est doué de parole pour vivre en cité, avec les autres, il ne devient en effet parlant que par la vie sociale : sans elle, l'homme a sans doute la faculté de parler, mais il ne la réalise, ne l'actualise que dans et par la vie sociale qui pour commencer lui impose l'usage d'une langue comme moyen d'expression et de communication de ses pensées.

L'explication d'Aristote est finaliste : c'est en vue de la vie en cité que l'homme est doué de la parole. C'est parce qu'il est un animal politique qu'il est doué de la parole. Cette deuxième différence d'avec les animaux est subordonnée à la première en cela que la parole est le moyen par lequel l'homme peut réaliser sa nature propre au sein de la vie sociale. Cette explication a le mérité suspect de toutes les explications finalistes et en particulier élude totalement le problème que posera Rousseau de l'origine des langues : pour parler, il faut une vie sociale, pour avoir une vie sociale, il faut parler. Du reste, Rousseau avoue ne pas savoir comment s'en sortir.



3 ) L'homme est un animal qui a des idées du juste et de l'injuste.

Troisième différence entre l'homme et les animaux, directement en rapport avec la précédante : l'homme a des idées au sujet du juste et de l'injuste, idée qu'il élabore à partir de celles de douleur et de plaisir, puis d'avantageux et de nuisible. On passe donc de ce que l'on sent à l'expression de ce qui est utile ou nuisible, c'est-à-dire qu'on se met à dire ce qui procure l'une ou l'autre de ces deux sensations, à la suite de quoi on élabore les idées du bien et du mal, du juste et de l'injuste.



4 ) Conclusion

Aristote met donc en évidence trois différences entre l'homme et les animaux qui non seulement le distingue d'eux, mais qui de surcroît font apparaître ce qui caractérise l'homme en propre. Définir, c'est toujours distinguer ; découvrir l'identité passe presque toujours par la mise en évidence des différences.

L'homme est un animal politique, doué de la parole grâce à laquelle il peut communiquer certes, mais surtout exprimer des idées que les animaux n'ont pas, celles du bien et du mal, du juste et de l'injuste. On n'est donc pas loin ici de l'homme comme animal raisonnable dans la mesure où disposer du logos, c'est disposer de la parole en tant qu'elle permet d'exprimer des idées que nous ne pourrions pas avoir sans esprit ou raison.

Seulement, cette définition ne doit pas cacher son ambiguïté : si elle définit l'homme en son essence, elle n'en exclut pas moins tous les membres de l'espèce humaine qui ne sont pas devenus humains parce qu'ils ne vivent pas en société politique, celle précisément où l'on s'exprime au sujet du juste et de l'injuste parce qu'on y vit selon le juste et l'injuste. On n'est pas un homme, on le devient par la vie sociale et politique.

Or, dire que l'on ne devient un homme qu'au sein de la vie sociale, c'est dire que l'on ne devient un homme qu'au sein d'une culture déterminée puisque toutes les sociétés ont une culture propre. Voilà pourquoi les hommes sont si différents les uns des autres : ils ne deviennent hommes qu'au sein d'une société, donc d'une culture, or les cultures sont différentes les unes des autres et elles déterminent les individus dans leur langue, leur manières d'être, de se comporter, de penser, de sentir, de telle sorte qu'ils finissent pas tous se distinguer les uns des autres. L'homme n'advient à lui-même qu'au sein de la culture, or la culture est dénaturante, aliénante en cela qu'elle transforme très fortement les individus qui sont en sont sein de telle sorte qu'elle les distingue à la fois de ceux qui appartiennent à d'autres cultures et entre eux au sein d'une même culture.

Ce qui signifie donc que la question est en réalité de savoir si l'entrée au sein de la culture est une aliénation par laquelle l'homme advient à ce qu'il est, sans l'être vraiment encore au départ du processus d'acculturation ou si elle est une aliénation sans récupération de soi, sans devenir ce que l'on est.

Qu'est-ce que cela signifie que dire qu'on ne naît pas homme, mais qu'on le devient par la vie sociale qui rend possible l'apprentissage d'une langue et l'expression d'idées? Que des membres de l'espèce pourraient ne pas être des hommes si faute de vivre dans une cité, ils n'apprennent aucune langue et n'expriment aucune idée de ce fait. On peut sans doute soutenir que tous les membres de l'espèce sont capables de parler, mais cette aptitude peut se perdre ou se dégrader si elle n'est pas réalisée ou actualisée dans l'apprentissage précoce d'une langue déterminée, par laquelle il sera possible d'exprimer des idées. Faute d'une langue en effet, il est impossible d'exprimer une idée. Donc finalement qu'il existe des hommes qui ne sont pas des hommes, des hommes du point de vue de l'espèce qui n'en sont pas du point de vue de l'essence.







C'est cette ambiguïté que l'on retrouve presque toujours lorsque l'on veut définir l'essence de l'homme : on ne semble pouvoir le définir qu'en excluant de l'humanité des membres de l'espèce humaine. C'est par exemple aussi le cas pour Pascal qui pour définir l'homme ne le compare pas aux animaux, mais cherche à imaginer de quoi on peut priver un homme sans le priver de son statut d'homme.



" Je puis concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. (…)." Pensées, 339.

Un homme qui ne penserait pas ne serait pas un homme, un homme sans idée ne serait pas un homme, un homme qui ne parlerait pas ne serait pas un homme. Seulement, Pascal ajoute que dans une telle hypothèse, on pourrait tout de même avoir affaire à un homme, mais à un homme qui n'en est pas un vraiment : une brute. C'est un homme du point de vue de l'espèce et ce n'est pas un homme du point de vue de la définition de ce qu'est un homme. On retrouve ici la même ambiguïté qu'avec la définition d'Aristote.







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Autant dire que l'on a affaire là à un problème puisqu'avec ces définitions nous sommes acculés à une contradiction : certains hommes ne sont pas des hommes, certains membres de l'espèce ne sont pas reconnus comme des hommes faute de correspondre à la définition de l'essence de l'homme.

Quel est le sens de cette contradiction? Dire que certains hommes ne sont pas des hommes, c'est en fait dire que des êtres qui appartiennent à l'espèce humaine ne sont pas humains parce qu'ils ne correspondent pas à l'idée que l'on se fait de l'homme, à la définition que l'on donne de l'humain. Ce qui signifie donc que cette contradiction contient implicitement une distinction entre l'homme et l'humain, entre les hommes et ce qui est humain.



Comment peut-on dépasser cette contradiction?







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La première solution qu'on peut envisager pour règler le problème que pose cette contradiction pourrait être de soutenir que cette contradiction n'est qu'une illusion de contradiction : en réalité, ce n'est pas du tout l'essence de l'homme qu'on a défini ou tâché de définir, mais celle de l'humain. On aurait confondu la définbition de l'essence de l'homme avec celle de l'humain et c'est cette confusion qui est à l'origine de cette fausse contradiction.

Dans ces conditions, ce qui passait pour l'essence de l'homme n'étair en réalité rien d'autre qu'une exigence qui s'adresse à tous les membres de l'espèce, un ensemble de caractéristiques que les hommes sont sommés de présenter pour être qualifiés d'hommes et cela de telle sorte qu'il existera toujours des êtres biologiquement hommes, mais non humains : les brutes, les enfants sauvages, tout ceux qui ne parlent pas ou pas encore… De sorte que l'on devra dire par exemple que les enfants ne sont pas des hommes en cela qu'ils ne sont pas encore humains, mais en train de le devenir grâce à des apprentissages.

Si être homme, c’est être humain, alors on ne naît pas humain, on le devient, cela s’apprend en quelque sorte.

En outre, réduire la définition de l'homme à celle de l'humain semble non seulement mettre un terme à la contradiction, mais être aussi nécessaire pour cette raison que l'homme est inséparable de la culture, puisqu'il est inséparable de la vie sociale. Or, être au sein d'une culture, ce n'est d'abord rien d'autre qu'assimiler des exigences, des règles, des valeurs qui déterminent la conduite, la manière de penser et même de sentir. Ce sont ces exigences assimilées au sein de la culture qui déterminent ce qui est humain. Ce qui par ailleurs implique qu'il existe au moins autant de définitions de l'humain qu'il existe de cultures, chacune ayant sa propre définition implicite ou non de ce qui est humain et de ce qui ne l'est pas.







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Seulement soutenir que cette confusion entre la définition de l'homme et celle de l'humain est nécessaire; donc que l'on ne définit jamais l'homme, mais l'humain, ne supprime en réalité pas la contradiction mais la déplace, la maintient.

En effet, de cette manière, on retombe sur le problème soulevé plus haut. A savoir : si on confond la définition de l'homme avec celle de l'humain, on s'autorise à rejeter en dehors de l'humanité des êtres qui ne correspondent pas à la définition que l'on donne de l'humain quoiqu'ils appartiennent à l'espèce humaine. C'est par exemple le cas lorsqu'on soutient que l'on peut réduire en esclavage des membres de l'espèce humaine sous prétexte qu'ils n'ont pas d'âme ou que l'on peut les supprimer parce qu'ils ne sont pas des hommes, mais comparables à des animaux nuisibles, à des parasites. Dans ce cas en effet, on décrète que certains êtres ne sont pas des hommes parce qu'ils ne correspondent pas à l'idée que l'on se fait de l'homme, c'est-à-dire en fait avec l'idée que l'on se fait de ce qui est humain, idée qui n'est jamais loin de celle qu'on se fait de soi-même...

Mais, c'est aussi le cas lorsqu'on retire le statut d'homme à des êtres en raisons de ce qu'ils ont fait, lorsqu'on déclare que certains êtres ne sont pas des hommes, mais des animaux en raisons essentiellement de leur comportement sexuel ou de leur violence.



Qu'est-ce que cela signifie? Qu'il existerait une différence de nature entre l'humain et l'animal et en même temps une simple différence de degré entre les hommes et les animaux : tous les hommes ne sont pas humains, certains ne seraient que des animaux.

De sorte donc qu'il serait toujours possible qu'un être humain ne soit jamais qu'une sorte d'animal ou qu'il le devienne en accomplissant certains actes inhumains, bestiaux.

Rq :On dira aussi, dans le même ordre d'idée que certains actes sont contre nature, c'est-à-dire contraires à la nature de l'homme, contraires à son essence ou ce qui est proche, contraires à la nature comprise comme puissance et comme ce qui impose un ordre aux choses, des règles aux êtres.



Qu'est-ce que cela signifie encore? Que si l'on confond l'humain avec l'essence de l'homme, on s'autorise non seulement à exclure de l'humanité certains membres de l'espèce pour les dire bestiaux ou réduits au stade de l'animalité, mais aussi à produire plusieurs définitions de ce qui est humain et inhumain et de telle sorte que les diverses définitions s'opposent les unes aux autres, n'excluent pas les mêmes êtres de l'ordre de ce qui est humain. C'est par exemple le cas lorsqu'aujourd'hui on trouve effrayant d'avoir pu tenir les Noirs pour des sous-hommes.



C'est là une des figures de l'ethnocentrisme, attitude qui consiste à penser que seuls sont humains ceux qui appartiennent à sa propre culture et parallèlement à soutenir que les autres ne sont que des barbares, des demi hommes, des sous-hommes, des hommes inaccomplis, des non hommes.

Ce qui est une autre manière d'exposer la même contradiction : si nous ne sommes pas d'accord entre nous sur le même sujet, tout le monde ne peut pas avoir raison en même temps.







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Alors, puisque le problème n'est pas résolu, mais seulement déplacé, qu'en est-il de cette solution qui consiste à confondre la définition de l'homme avec celle de l'humain, qui se traduit par l'exclusion en dehors de l'humanité et au sein de l'animalité certains êtres?

Et, pour commencer, est-il légitime de comparer certains êtres humains à des animaux pour ce qu'ils sont ou pour ce qu'ils ont fait? Qu'y a-t-il d'animal dans leurs actes? Lorsque l'on dit que certains hommes sont des animaux, ont régressé au stade de l'animalité, sont devenus bestiaux, s'aliènent dans l'animalité, que disons-nous au juste? A-t-on jamais vu des animaux faire ce que l'on dit être bestial? Non. C'est précisément cela que met en évidence Clément Rosset, dans Principes de sagesse et de folie, Appendice 2, le miroir animal.

Il y parle essentiellement du comportement sexuel, mais ce qu'il en dit vaut pour toutes les situations où nous sommes tentés de parler de bestialité, de régression au stade de l'animalité.



" C'est lorsque je bois et que je fais l'amour que je ressemble le moins à l'animal. Tel est l'avis d'Antonio, le jardinier, répondant à la comtesse qui lui reproche son ivrognerie : "boire sans soif et faire l'amour en tout temps, madame, il n'y a que ça qui nous distingue des autres bêtes". " Citation du Mariage de Figaro, Beaumarchais, acte II.

Paradoxalement, c'est dans les actes réputés bestiaux, ceux qui s'éloignent le plus de ce que nous tenons pour humain, que nous nous distinguons les plus des animaux, parce qu'aucun animal n'est bestial au sens où nous l'entendons. Ces actes s'écartent certes de ce qui est tenu pour humain, mais en aucun cas ils ne manifestent une régression au stade de l'animalité, ils s'en éloignent au contraire le plus fortement qui soit. Donc, rien n'est plus humain qu'être inhumain. Ce que l'on appelle inhumain n'a rien d'une régression au stade de l'animalité, mais est un transgression des normes que l'on applique aux humains, transgression qui en réalité éloigne de l'animalité au moins autant que les normes communes. Qu'est-ce que tout cela signifie? Que ce qui est humain ne s'oppose pas à ce qui est animal, que nulle règle naturelle ne vient comme étayer les règles culturelles, les fonder ou les justifier : l'homme défini ce qui est humain tout à fait indépendamment de la nature et l'animalité ne peut pas représenter pour l'homme un risque de régression. Quoiqu'il fasse, c'est en homme qu'il agit et non en animal.



Et, par rapport à notre problème, qu'est-ce que cela signifie? Qu'il est vain de penser qu'une définition de l'humain puisse rejeter en dehors de l'humanité un membre quelconque de l'espèce humaine, notamment pas dans l'animalité puisqu'aucun homme ne peut régresser dans l'animalité.

Si d'un côté, on confond la définition de l'homme avec celle de l'humain, alors nécessairement on rejette en dehors de l'humanité tous les membres de l'espèce qui ne correspondent pas à la définition retenue. Mais d'un autre côté, il apparaît que tous les êtres qui par leurs actes s'éloignent de ce qui est exigés d'eux pour être considérés comme des hommes, qui ne correspondent donc pas à la définition de l'humain, ne sont pas pour autant des animaux et même sont très loin de l'animalité puisque les animaux ne font pas ce que nous qualifions de bestial, donc qu'ils restent humains, au moins en cela qu'ils sont pas comparables à des animaux. D'un côté, on exclut, de l'autre, on s'aperçoit que cette exclusion n'a pas de sens. D'un côté, on dit inhumains certains êtres parce qu'ils seraient bestiaux, de l'autre, on dit qu'il sont humains parce que les animaux ne font pas ce qu'ils font. Quoiqu'il arrive, on ne cesse pas d'être humain, si par humain on entend ce qui n'est pas animal, y compris dans les actes réputés les plus inhumains, les plus bestiaux.

Puisqu'être inhumain, c'est un certaine façon d'être un homme, certes condamnée, tenue pour mauvaise, indigne et le plus souvent à juste titre, nul n'est jamais en dehors de l'humanité, donc confondre la définition de l'homme avec celle de l'humain, c'est d'une part rendre possible les génocides, les esclavages, l'eugénisme…, mais c'est d'autre part se méprendre sur ce qui est humain et ce qui ne l'est pas.



Dire que la définition de l’homme est confondue avec celle de l’humain, que l’homme en se définit que comme humain rend possible, moyennant l’exclusion de certains membres de l’espèce en dehors de l’humanité, une définition de l’homme, mais elle a pour conséquence d’autoriser toutes les définitions possibles et de créer des conflits entre elles.

C’est pourquoi, cette confusion ne peut pas être retenue : elle ouvre sur des conflits entre les définitions et surtout elle ne peut conduire qu’à l’exclusion d’individus qui pourtant font partie de l’humanité, quoi qu’ils aient fait, quoi qu’ils soient. Or, on peut considérer qu’on n’a pas affaire à une définition recevable lorsqu’une définition rejette une partie de ce qu’elle est sensée définir. Une définition de l'essence de quelque chose qui exclut certains éléments pourtant reconnus par ailleurs comme appartenant à l'ensemble à définir n'est pas une définition valable. Il n’est donc pas légitime de confondre la définition de l’homme avec celle de l’humain.



Qu’est-ce que cela signifie ? Que l’entreprise qui consiste à vouloir définir l’essence de l’homme est vaine.

En quoi ?



En cela que si on tient à n'exclure aucun membre de l'espèce humaine, ni Victor de l'Aveyron, ni la brute de Pascal, ni les monstres, ni le fou sanguinaire, ni l'enfant, ni donc tous les êtres que l'on est tenté de tenir pour autre chose que des hommes, on ne parvient pas à trouver une définition qui non seulement comprend les caractéristiques communes à tous, mais en outre distingue nettement l'homme d'autre chose, notamment des animaux, mais aussi des dieux.

Définir l'homme sans exclusion ne donne rien de sorte que l'on peut être tenté de procéder à des exclusions afin de parvenir à une définition. Mais, en retour, cette définition risque de retirer le statut d'homme à des êtres qui pour une autre définition en seraient bel et bien, notamment celle qui repose sur des critères exclusivement biologiques. Mais, de ce point de vue, on retombe sur le problème précédant : une définition purement biologique de l'homme ne vaut pas comme définition d'une essence, d'une nature.



Que peut-on dire alors ? Que l’homme est un être qui n’a pas d’essence, de nature, que la nature humaine n’existe pas.



Rq : C’est ce que soutient Sartre dans L’existentialisme est un humanisme. A noter : il parvient à la même conclusion par un tout autre moyen.



L’homme n’a pas de nature, il a une condition et une histoire, une histoire individuelle qui prend place dans une histoire collective. Or, tout ce qui a une histoire n’a pas de définition parce que tout ce qui a une histoire est en devenir et on ne peut définir que ce qui ne devient pas, ce qui est déterminé de telle sorte que quoi qu’il arrive, ce qui est ne devient pas, ou pas foncièrement, pas essentiellement.
2007-09-18 21:09:50 UTC
Non, je ne suis pas d'accord. Il y a un phénomène constatable par tous : c'est la ressemblance de tous les humains entre eux. La découverte de l'unicité de la personne n'empêche pas de considérer l'existence de la nature. Ce sont deux niveaux différents. C'est la confusion entre nature et personne qui engendre cette négation.
2007-09-18 18:49:08 UTC
La nature humaine existe et est très mal connue par les humains eux-mêmes. (Je parle comme un extra-terrestre mais ne vous inquiétez pas je m'inclus dans le lot.) La nature humaine est conditionner pas un instinct animal que l'on situe dans la partie amygdale ou cerveau reptilien, les émotions si on veut. L’intelligence ou capacité d’analyse par le cortex et la capacité de temporiser par inhibition dans le cortex frontal.

Le reste n’est question que de l’utilisation que l’on fait de ces diverses parties.

Dans l’ensemble, cela fonctionne assez bien sauf si il y a une carence dans l’une des parties.
james
2007-09-18 18:59:41 UTC
Elle n'existe pas, au sens où on ne peut la définir de façon définitive et univoque ; nier toute idée de nature humaine me semble toutefois difficile, voire problématique, surtout en matière juridique et morale.

Sartre est à replacer dans son époque si on veut le comprendre, et l'existentialisme ne me séduit pas du tout, je dois l'admettre.
pascalguada
2007-09-18 17:38:16 UTC
Non et Oui ! La nature existe, l'humain existe, le 1er est propriétaire, le second locataire. Parler de nature humaine, voudrait supperposer l'humain sur la nature. C'est une conception irréalisable compte tenue de la nature des choses. Tout ce qui réside dans la nature atteint l'homme. Et si l'homme atteint la nature parfois, tout ce qui réside en l'homme n'atteint pas forcément la nature. Affirmer qu'il y a une nature humaine équivaudrait à penser que l'homme est capable de se substituer à la nature connue pour une autre essence. Où qu'il se projète dans une nature idéal et plus propice à son désir. serait-ce le résultat de sa nature ? Mais alors en quoi correspond il à la nature. Il n'est dailleur pas le seul à se conduir contre nature "selon nos critères".

Alors la nature de l'homme comme celle des autres animaux,minéraux, végétaux, serait elle encore à définir ?

faut il être humain pour se poser la question?
bel ami
2007-09-18 17:02:47 UTC
toute créature a sa nature


Ce contenu a été initialement publié sur Y! Answers, un site Web de questions-réponses qui a fermé ses portes en 2021.
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