. Le but ultime du doute sceptique, c’est de brûler l’idée même de pouvoir affirmer quoi que ce soit, un peu comme le feu s’évanouit avec le bois qu’il a consommé, ou encore comme le purgatif qui disparaît lui aussi après avoir nettoyé l’estomac. C’est donc vers la vacuité pure que le sceptique se dirige. Mais attention, ce n’est pas du tout le nihilisme. Le doute sceptique ne porte pas sur la phénoménalité en tant que telle, il porte seulement sur la prétention d’en trouver la cause cachée. il attaque la représentation. Le sceptique reconnaît qu’il fait jour, que la pluie vient de s’arrêter, que son nez est enrhumé, que le mur lui paraît blanc ou que le miel semble doux. Il n’ignore pas la sensation. Il ne sait pas comment elle s’accomplit et il s’abstient d’affirmer de façon péremptoire et universelle ce qui n’est qu’une impression subjective.
Timon de Philonte, disciple de Pyrrhon, mit cette doctrine par écrit. Le scepticisme originel met avant tout l’accent sur la nécessité de cultiver le détachement et la maîtrise de soi, sans exiger de certitude. Selon ce point de vue, nos perceptions empiriques sont relatives, elles ne sont ni vraies, ni fausses, elles sont. On ne peut compter sur elles pour prouver quoi que ce soit. Les doctrines que nous élaborons sont de simples constructions mentales qui se contredisent les unes les autres. Il faut donc pratiquer l'époché, c'est à dire la suspension du jugement. C’est la seule manière de parvenir à la paix de l'âme, de gagner l'ataraxie, l’absence de trouble de l'âme. A l’inverse, nous voyons bien que l’esprit s’égare dans les opinions, il ne produit dans ses jugements téméraires que l’agitation mentale et l’inquiétude. Un esprit agité et inquiet ne saurait trouver la paix. Comme la plupart des angoisses humaines sont liées à la dualité bien/mal, le sceptique s’en tire en n’ayant aucune opinion sur l’un ou sur l’autre. Il ne peut donc se rendre malheureux comme le fait l’homme ordinaire. Il restera tranquille là où la plupart des hommes sont troublés par la dualité