Voilà le passage qui t'intéresse particulièrement, à toi de voir :
XV
"Contre les réfractaires, voici la loi que nous porterons sur l'impiété. Si quelqu'un se montre impie, soit en paroles, soit en actions, celui qui en sera témoin s'y opposera et le dénoncera aux magistrats. Les premiers informés d'entre eux le traduiront conformément aux lois devant le tribunal nommé pour juger ces sortes de crimes. Si un magistrat, après avoir reçu la dénonciation, n'y donne pas suite, il pourra lui-même être poursuivi pour impiété par quiconque voudra venger la loi. Si un accusé est convaincu, le tribunal fixera une peine spéciale à chaque espèce d'impiété. La peine générale sera la prison. Il y aura dans la cité trois sortes de prisons, une sur la place publique, qui sera commune à la plupart des délinquants et s'assurera de leurs personnes ; une autre à l'endroit où se réuniront la huit certains magistrats et qu'on appellera maison de correction ; une troisième enfin au milieu du pays dans un endroit désert et aussi sauvage que possible, qui sera surnommée la prison du châtiment. Il y aura délit d'impiété pour trois motifs, qui sont précisément ceux dont nous avons parlé, et, comme chaque espèce se divise en deux, il y aura donc six espèces de fautes envers les dieux, qui demandent à être distinguées, vu que la punition n'en sera ni égale ni pareille.
Il y a en effet des gens qui ne croient pas du tout a l'existence des dieux, mais qui tiennent de la nature un esprit de justice, qui haïssent les méchants, et, parce que l'injustice leur répugne, s'abstiennent de toute action injuste, fuient la compagnie des pervers et chérissent les gens de bien. Mais il y en a d'autres qui, non seulement croient que le monde est vide de dieux, mais sont encore incapables de maîtriser le plaisir et la douleur, et qui possèdent une mémoire solide et une grande pénétration d'esprit. Ils ont une maladie commune, qui est de ne pas croire aux dieux ; mais pour ce qui est de gâter les autres hommes, les premiers font moins de mal que les seconds.
En effet, les premiers s'expriment avec une pleine licence à l'égard des dieux, des sacrifices et des serments, et, en se moquant des autres, ils pourraient peut-être les rendre impies comme eux, s'ils échappaient au châtiment ; mais les seconds, étant dans les mêmes sentiments que les premiers, sont, comme on dit, des finauds, pleins de ruse et d'artifice; c'est parmi eux que se forment un bon nombre de devins et ceux qui exercent tous les genres de sorcellerie, quelquefois aussi les tyrans, les généraux d'armée, ceux qui séduisent le public par des initiations privées et les sophistes avec leurs raisonnement captieux ; car les espèces de ces impies sont nombreuses ; mais il y en a deux qu'il faut réprimer par des lois, l'une, qui feint l'ignorance, mérite non pas une, mais plusieurs morts ; l'autre n'a besoin que de réprimande et de prison.
Pareillement, ceux qui pensent que les dieux ne s'occupent pas des hommes forment deux espèces, et ceux qui pensent qu'ils sont faciles â fléchir, deux aussi. Cette distinction faite, les juges condamneront, suivant la loi, ceux qui sont impies par défaut de jugement, mais sans mauvais penchant ni mauvaises moeurs, à passer cinq ans au moins dans la maison de correction. Pendant ce temps, aucun citoyen ne devra frayer avec eux, sauf les magistrats du conseil de nuit, qui l'entretiendront pour son instruction et le salut de son âme. Lorsque son temps de prison sera fini, s'il paraît assagi, il ira vivre avec les citoyens vertueux ; s'il ne l'est pas, et qu'il soit convaincu de nouveau, il sera puni de mort.
Quant à ceux qui, devenus semblables à des bêtes fauves, non seulement ne croient pas à l'existence, à la providence et à l'inflexible justice des dieux, mais qui, méprisant les hommes, séduisent un grand nombre de vivants et se disent capables d'évoquer les morts et promettent de fléchir les dieux en les charmant par des sacrifices, des prières et des incantations, et entreprennent, pour satisfaire leur avarice, de renverser de fond en comble les fortunes des particuliers, des maisons entières et des États, celui d'entre eux qui aura été convaincu de ces fourberies sera condamné, selon la loi, par le tribunal à être mis aux fers dans la prison du milieu du pays ; aucun homme libre n'approchera jamais de lui et il recevra de la main des esclaves ce que les gardiens des lois auront réglé pour sa nourriture. A sa mort, on le jettera hors des frontières sans lui donner de sépulture. Si un homme libre aide à l'ensevelir, il sera accusé d'impiété par quiconque voudra le citer en justice. "
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/loislivre10.htm